Direction scientifique : Thierry DAHAN
Vice-président de l’Autorité de la Concurrence.
Liste des membres de la commission (par ordre Alphabétique)
La notion de « dommage à l’économie » a fait son apparition dans le droit positif français avec Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.
Aux termes de l’article L. 464-2 du Code de Commerce, l’Autorité de la Concurrence peut imposer des sanctions pécuniaires en cas d’entente ou d’abus de position dominante, « en fonction de la gravité des faits, de l’importance du dommage causé à l’économie, de la situation de l’organisme ou de l’entreprise sanctionné (e) ou du groupe auquel l’entreprise appartient, et de l’éventuelle réitération d’infractions antérieures aux règles de concurrence. »[1].
Compte tenu de la nature répressive et dissuasive, mais non réparatrice, des sanctions pécuniaires imposées aux auteurs de pratiques anticoncurrentielles dans le but de rétablir et de préserver l’ordre public économique, le dommage causé à l’économie ne se confond pas avec le préjudice qu’ont pu subir les personnes victimes de l’infraction.
Il ne se limite par ailleurs pas aux seuls gains illicites que son ou ses auteurs ont pu escompter en retirer, mais englobe tous les aspects de la perturbation qu’elle est de nature à causer au fonctionnement concurrentiel des activités, secteurs ou marchés directement ou indirectement concernés, ainsi qu’à l’économie générale.
Il intègre non seulement le transfert et la perte de bien-être que l’infraction est de nature à engendrer au détriment des consommateurs intermédiaires ou finaux et de la collectivité dans son ensemble, mais aussi, notamment, son incidence négative sur les incitations des autres acteurs économiques, par exemple en matière d’innovation. Il ne se réduit donc pas à une perte précisément mesurable.
Pour apprécier l’importance du dommage causé à l’économie, l’Autorité de la Concurrence tient notamment compte des éléments suivants, en fonction de leur pertinence et dans la mesure où elle en dispose :
On peut mesurer l’originalité de cette notion de « dommage à l’économie » en relevant que la Commission européenne, à partir de la même liste de critères, utilise la notion « d’importance économique de l’infraction » pour le calcul des amendes.
L’introduction du concept de « dommage » introduit donc une difficulté supplémentaire dès lors que la jurisprudence considère que le dommage, en droit de la concurrence, a la nature d’une externalité négative qui atteint l’ensemble de l’économie et non celle d’un préjudice individuel.
Partant de ce constat, la réflexion sur la notion de « dommage à l’économie » que la présente commission se propose de mener pourrait s’articuler autour de deux problématiques complémentaires :
1.Quels sont les outils et les méthodologies de mesure de l’évaluation du dommage à l’économie ?
Quels critères d’objectivité peut-on reconnaître à ces outils s’agissant d’une discipline – la science économique – reposant, par nature, sur des présupposés d’ordre philosophique, politique, idéologique ?
Les autres domaines des sciences sociales qui utilisent la notion d‘externalités négatives peuvent-ils nous aider à cerner les caractéristiques de ce que doit être un « dommage à l’économie »
Par suite, le dommage à l’économie doit-il être considéré, comme le texte actuel le prévoit, comme un critère parmi d’autres, devant être pris en considération pour la détermination de l’amende à infliger aux auteurs de pratiques anticoncurrentielles ?
Au contraire, le dommage à l’économie doit-il s’imposer comme le seul outil de quantification précise de la sanction dans une nouvelle logique de « réparation intégrale du préjudice subi par la collectivité » ?
2.Comment la sanction au titre du dommage à l’économie (relevant d’une logique d’« action publique », par nature punitive et dissuasive) s’articule-t-elle avec les dommages et intérêts susceptibles d’être réclamés par les victimes de l’infraction, en réparation de leurs préjudices économiques individuels ?
Le juge de l’indemnisation, saisi par une victime de pratiques anticoncurrentielles doit-il appliquer strictement le principe de la réparation intégrale, issue de notre théorie générale de la responsabilité qui « consiste à replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée en l’absence de dommage » ?
Doit-il, ou non, prendre en considération les sanctions déjà prononcées par l’Autorité de la Concurrence, pour appréhender, dans leur globalité, les conséquences financières des sanctions publiques et privées prononcées à l’encontre de l’auteur de l’infraction ?
Faut-il au contraire basculer dans un régime de « peine privée » et ouvrir aux juridictions civiles, au nom du principe d’effectivité posé le droit communautaire de la concurrence, la possibilité de prononcer des dommages exemplaires ou punitifs qui conduiraient à aller au-delà de la simple réparation du préjudice réellement subi (perte et manque à gagner), en prenant, par exemple, en compte les gains illicites de l’auteur de l’infraction ?
L’objectif des travaux de cette commission, en s’appuyant sur l’analyse comparée du Droit Français au regard des autres Droits Nationaux et du Droit Européen de la Concurrence, sera d’établir un rapport de propositions concrètes en vue d’améliorer le dispositif actuel de sanction et réparation des pratiques anticoncurrentielles.
Pour ce faire, la commission s’attachera à :